L’année 2020 fut une épreuve pour tout le monde. Nous avons tous vécu une période particulière. Qu’elle se soit bien passée ou non, elle aura impacté notre quotidien et notre esprit. Traileur et compétiteur, il n’y avait plus aucun événement possible en France. Comment garder la motivation de s’entraîner ? Où trouver des objectifs ?
Depuis quelques temps, je voulais faire un projet perso qui dure plusieurs jours. Une aventure, une traversée, une boucle, je ne savais pas encore quoi, mais je savais que je voulais courir, courir longtemps.
Ma chérie est à Antibes et moi à Valmorel. Souvent les week-ends, je prenais la voiture pour aller la voir. Je prenais généralement la route de Napoléon, je voyais ces montagnes au loin et c’était magnifique. Puis un jour, je me suis rappelé que le GR5 arrivait à Nice. Je savais qu’il ne passait pas très loin de Valmorel aussi. L’idée fleurissait doucement.
Le jour du confinement, j’étais descendu à Antibes, je savais que j’allais déménager et vivre dans le Sud près de la mer. C’était une nouvelle page pour moi, une nouvelle vie. J’ai eu l’idée alors de venir en courant de Valmorel à Nice. C’était symbolique, c’était pour moi ma façon de venir de la plus belle des manières dans ma nouvelle maison, ma nouvelle vie. C’était ma démarche romantique, mon aventure, mon chemin qui mène à l’amour. L’amour des lieux où j’ai grandi, l’amour des montagnes, l’amour du trail, l’amour de ma chérie et l’amour de ma nouvelle maison.
Bon c’est sympa comme projet, mais comment on organise cela ? Outre l’entraînement, il y a un aspect d’organisation important. Déjà deux questions : – Je le fais en autonomie complète ?
- Je le fais en semi-autonomie ?
En gros, soit je partais avec ma tente et mon réchaud, soit je faisais des étapes et je dormais dans des refuges le soir. Ce qui me permettait de courir en journée.
Choix pas évident, car pour le 1er, l’avantage, c’est qu’on s’arrête dormir quand on veut et où l’on veut. Le 2ᵉ choix, l’avantage, c’est que j’ai un lit, un bon repas chaud et surtout un sac très léger…
Le trajet, c’est en gros 360 km et 20 000 de dénivelé positif. Si je partais avec ma tente, il me fallait du matériel adapté : sac, tente ultra-light, duvet, réchaud…
Finalement, j’arrivais avec un poids de sac à presque 10kg. Si je dormais dans les refuges, j’avais un sac de 5kg donc vraiment plus léger.
J’ai opté pour la traversée option confort. Cela me permettait d’une certaine manière d’avoir des journées moins longues et de bien dormir. C’était aussi sympa de se retrouver dans un refuge et rencontrer des promeneurs. L’idée d’être 100% autonome me séduisait plus, mais j’ai opté pour le sac léger.
J’aurais sûrement mis moins de jours si je n’avais pas dormi en refuge, mais j’ai ainsi découpé mon trajet en 7 jours (assez drôle, car en voiture en passant par la Nationale je mettais environ 7 heures).
J’essaye alors de découper au mieux les étapes avec l’aide de personnes qui ont déjà fait le GR5 (vive internet). J’ai décidé de commencer par des grosses étapes, d’avoir quelques étapes courtes, puis une dernière étape longue. Finalement, tous mes stops se trouvent dans des spots magiques. Je finis alors par réserver tous mes refuges et c’est une bonne chose de faite.
Que prendre quand on part pour courir 7 jours en montagne sachant que je dors en refuge ? Je ne veux pas que mon sac excède les 8kg, il faut donc se limiter au strict nécessaire.
Voilà ce qu’il y avait dans mon sac :
Tout cela, je l’ai mis dans un sac de compression étanche. J’ai rentré ensuite le tout dans un sac de 12L, le modèle Eklipse de la marque Instinct Trail. C’était comme une petite maison sur le dos.
À partir de là, le but est de rejoindre Méribel Mottaret : 32km et 2300D+. Il fait beau et chaud, on en profite pour parler, prendre quelques photos. On tombe sur une biche énorme, un joli taureau, j’ai le sourire, je me dis que c’est un début parfait à cette traversée.
Après 5h de balade, on retrouve ma mère qui nous attend en bas. Ce soir je dors chez une amie à ma mère, c’est le luxe. Demain à 5h je me lève pour une très grosse étape. Ça me fait bizarre de me dire que je vais passer de Méribel à Névache.
Bon, j’ai 60km et 3400D+ à faire aujourd’hui, ça va être une belle journée. Et tant mieux car il va faire beau et chaud. Après une bise à ma mère, je cours sur le parc naturel de Tueda. Une brume s’évapore doucement du lac, l’aube est là ainsi que la fraîcheur matinale. “Tôt le matin” de Gaël Faye m’accompagne dans les écouteurs. Je ressens cette solitude, ce bonheur de me retrouver seul dans ces montagnes avant que le soleil ne se lève. Un sentiment unique, d’avancer dans une immensité et de pousser son corps dans l’effort. Les rayons de soleil commencent à toucher ma peau dès que j’arrive au Glacier de Géboulaz. Je me trouve alors sur la variante du GR55.
Là j’entame une très belle et longue descente à Modane. C’est l’heure de manger : sandwich au saumon, 1 coca et 1 orangina. Une fois reparti, je vais suivre maintenant ce balisage Rouge et Blanc. Me voilà sur le GR5. Je ne passe pas très loin du mont Thabor, j’avoue avoir hésité à y aller mais ce n’était pas raisonnable. Quelques marmottes, des chevaux sauvages, des taureaux avec des muscles plus imposants que Schwarzenegger, des lacs, cette 1er étape est magique.
Arrivé à Névache, une bonne douche (j’ai pris la serviette microfibres S de Decathlon, autant vous dire que je m’essuie avec la taille d’un mouchoir) et ce soir raclette.
10h de course, une journée bien remplie, pas de bobos mais de beaux souvenirs.
Je pars vers 7h du matin, j’essaye de pas trop déjeuner sinon mon ventre ne va pas trop m’aimer. Je prends le pique-nique du refuge, sauf que c’est une salade. Il fallait que j’arrive à la rentrer dans mon sac, pas évident. Le départ est incroyable, le paysage est à couper le souffle. Je vais rejoindre une variante, la GR5C afin de couper un peu et de prendre les crêtes de Peyrolles avant de basculer sur Briançon.
Arrivé dans cette jolie ville, j’ai vraiment soif. Je sais que j’ai un problème avec l’orangina et que je peux en boire 2l d’une traite. Du coup j’ai 3 canettes de sodas… Ça ballotte un peu dès que je me remets en marche. Après le Col des Ayes, je passe Arvieux, je remplis mes flasques, et je me dirige à Château Queyras. Il me reste encore quelques kilomètres. Je subis mon 1e coup de pas bien, petite hypo sympathique. Je suis même en retard pour le repas du refuge, je dois me dépêcher. Finalement, le dernier petit sentier est magique et la foulée revient naturellement.
J’arrive à temps pour la soupe, une bière, je vais bien dormir.
68km, 3700D + et 10h40 de course. Demain on réduit un peu, ça me fera du bien.
Ceillac - Larche
Ce matin, je ressens un peu les jambes lourdes. Mais le début de cette journée est magique. Je démarre par une montée dans la forêt qui longe une rivière afin de rejoindre un lac. C’est assez féérique, la nature me révèle sa beauté et me séduit.
J’arrive ensuite au lac miroir puis au lac St Anne. Le Queyras est incroyable, c’est un mélange des Alpes du Nord et du Sud. Il est verdoyant et minéral, j’avoue avoir eu un petit coup de cœur pour ce lieu. Au col Girardin je prend une pause, je suis ému car les émotions sont fortes. Je suis là, je suis içi, courir c’est profiter de l’instant présent et le vivre pleinement.
J’en suis à la moitié, et j’entame la descente en passant à travers un imposant troupeau de mouton. J’ai toujours peur qu’un Patou n’apprécie guère ma foulée à côté de lui. Après une mauvaise expérience en Bolivie, j’ai toujours une crainte quand je cours près des chiens. En tout cas, j’avance correctement et facilement jusqu’à Larche en passant par le Col de Mallemort.
6h30 de course, j’ai le temps de me mettre dans le hamac et de profiter de la fin de journée avant le meilleur repas de ma semaine en refuge.
Après une longue partie sur une route, je longe l’Ubayette en passant au Lac de Lauzanier, puis celui “de derrière la Croix” et enfin le fameux “Pas de la cavale”. Me voilà dans le Mercantour. Quel pays, quel paysage, quel dépaysement, paisible et non péniblement j’avance.
Après un arrêt à Bousiéyas, je repars en direction du Col de la Colombière puis St Dalmas le Selvage. Cailloux et pentes raides, je suis bien arrivé dans les Alpes Maritimes. Je commence à ressentir des petites ampoules. Arrivé à Roya, petit refuge atypique, je commande un Milkshake : Royal à Roya
Sinon j’ai mangé quoi pendant cette traversée ?
Et bien pas grand-chose au final. Je portais avec moi des barres comme les Lions, des barres à la cacahuète, quelques pâtes de fruits. Après j’ai bu des litres et des litres de sodas. À ma pause midi, je prenais minium 3 canettes : Ice Tea, Orangina et parfois coca. Dès qu’il fait chaud, je rêve d’Orangina, je peux courir plus vite si je sais que je vais en boire… Ensuite généralement je mangeais un bon sandwich pour ma pause. Dès que j’arrivais au refuge, j’hésitais entre la bière et le thé, du coup je prenais les deux. Le soir je mangeais comme deux et je passais une bonne nuit.
Après une bonne nuit et après avoir discuté avec un belge me disant de faire attention aux patous un peu plus loin, je repris ma petite route.
La 1er montée était magnifique, je partais rejoindre le Col de Crousette. Je croisa 1, puis 2, puis 3 patous. J’avais le cœur qui tapait fort, je ressentais un peu de stress. Puis un patou a décidé de me suivre pendant 30mn à 10cm de mes mollets : Patou, pas touche à mes mollets. Arrivé en haut, je voyais ce Mont Mounier, cette ambiance assez unique.
Les ampoules n’étaient pas jolies mais je n’y pensais pas. J’avais avec hâte d’arriver, tout en savourant chaque mètres parcourus. Il faisais chaud, le parcours ce jour là était plutôt roulant. Arrivé à St Sauveur sur Tinée, je me suis trempé dans une fontaine tellement j’avais chaud. Je passais ensuite à Rimplas et ses terres rouges. Puis j’arriverai par le bas au village de Valdeblore. Heureux de pouvoir voir ma chérie ici et de vivre se moment si fort. En plus, elle et sa grand mère avait préparé le plus gros festin et le meilleur ravitaillement.
Une journée de 42km et 2200 D+
Après une belle nuit en compagnie d’Eve, je me lève pour la dernière journée de cette traversée. C’est bizarre de se dire que ça va s’arrêter ensuite. Mais en tout cas, ce matin je rigole moins et mes ampoules me font mal. Mes pieds se sont transformés en guirlande de Noël. Je peine à courir au début mais je me force car Eve et sa Grand mère me regardent partir.
Après une 1er montée au “Deux Caires”, j’entame ma route en direction d’Utelle. Quelques passages techniques avec pas mal de cailloux, mais c’est très beau. Le sentier qui mène à Madone est génial et je profite de cette descente pour m’amuser. Je remonte à Levens, où je cherche désespérément de l’eau.
Le temps se couvre mais je suis content car j’avais vraiment eu peur qu’il fasse beaucoup trop chaud. J’ai même le droit à un peu de pluie et de jolies sons d’orage ainsi qu’une couleuvre énorme. Je vois la mer et je suis ému, je pense à Eve qui m’attend à la mer à Nice. Je pense à cette traversée, ce que j’ai vécu, ces souvenirs. Quelle aventure, c’est unique et fort, riche en émotions.
J’entame la fin et j’arrive dans Nice. Je sens que je suis heureux d’arriver, de prendre Eve dans mes bras. Par contre, je n’étais pas prêt à ce bruit de ville, ces voitures, ce monde. Je ressens de l’irritation, trop de bruit, je suis gêné et perdu. J’étais mieux dans mes montagnes.
Je la vois, elle m’attend sur la Place Masséna, avec un grand sourire. Elle est heureuse et moi encore plus. Heureux de la retrouver, heureux car cette traversée, c’est pour la rejoindre, pour vivre avec elle.
Sur la plage en galet, une bière, de l’Ice Tea, de l’Orangina et pleins de bonne chose à manger. Tout est parfait. Je peine par contre à aller dans l’eau car j’ai vraiment mal aux pieds.
La plus belle des récompenses et des arrivées
Ma plus belle expérience, mon périple.
Il en faut peu pour être heureux ou il me faut beaucoup de kilomètre pour l’être encore plus.
Grand amoureux de la montagne, j'aime y être plonger et la voir dans tous ses états. J'aime partager des moments forts en émotions avec les gens que j'aime